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lundi 13 avril 2009

Valls prend ses distances avec l’amère Royal pour incarner le PS

'Le Parti socialiste doit être incarné par une nouvelle génération', selon lui

Manuel Valls échappe au tentatives d'étiquettage ?

Député de l'Essonne, maire d'Evry, ce socialiste de 46 ans n'en finit pas d'intriguer ses amis et les media doivent le changer constamment de case, tant il est flexible et varie au gré du vent et de l'actualité. Il a soutenu Michel Rocard, travaillé avec Lionel Jospin, appuyé Marie-sEGOlène Royal, au temps de leur gloire.
Aujourd'hui, il revendique sa pleine liberté de pensée. Faute de champion en maillot rose à qui sucer la roue, il mise actuellement sur son âge, pendant qu'il est temps. Au risque de choquer ses camarades : en début de semaine, il a reçu dans sa ville le ministre de l'immigration Eric Besson devenu secrétaire général adjoint de l'UMP après avoir été secrétaire national du PS. ?

Le journal est allé lui prendre la fièvre
Dans son édition du 12.04.09, Le Monde nous gratifie d’un entretien avec Manuel Valls qui répond à ses questions d’avenir…
Dans cet entretien, Manuel Valls analyse les difficultés qu'éprouvent les socialistes à contrer
Nicolas Sarkozy
. Dans une France inquiète, il prône une "conception apaisée de l'exercice du pouvoir", met en garde contre le "lyrisme politique" d'une partie de la gauche et prévient : en 2012, le PS devra tenir aux Français un discours courageux.

C'était de la provocation de recevoir dans votre ville Eric Besson, le ministre de l'immigration, honni des socialistes ?


Non, car il s'agissait d'un débat contradictoire auquel participaient notamment le président de SOS-Racisme, Dominique Sopo, et le sociologue Michel Wieviorka. Il ne doit pas y avoir de sujet tabou, surtout dans ce domaine.

On vous reproche souvent au PS d'être complaisant à l'égard de Nicolas Sarkozy...

L'anathème est une tradition chez certains à gauche. Lorsqu'en 1980, j'ai adhéré au PS dans le sillage de Michel Rocard, ses amis étaient au mieux taxés de "sociaux-démocrates" - ce qui était le début d'une dérive droitière - au pire de "gauche américaine" - ce qui était le début de l'excommunication !
La plupart des socialistes sont aujourd'hui décomplexés à l'égard du marxisme. Mais le PS compte encore des responsables et des militants, sans doute sincères, qui restent hantés par les Spectres de Marx : conception binaire de la société, vision violente de l'Histoire... D'où ce goût commun pour les grandes fresques avec l'extrême gauche : la crise économique devrait dégénérer nécessairement en crise sociale avant d'aboutir à la crise politique...
Pour ma part, je me suis toujours méfié du lyrisme politique et des visions totalisantes. L'Histoire nous apprend que la crise engendre plutôt le repli sur soi et le populisme. Je préfère porter le débat sur notre capacité à dégager des propositions crédibles et utiles pour les Français.

Pourquoi la gauche ne parvient-elle pas à trouver le ton juste face au chef de l'Etat ?

Elle a provisoirement perdu une partie de son hégémonie culturelle faute d'avoir bien appréhendé les grands bouleversements du monde depuis trente ans : effondrement du bloc soviétique, globalisation économique, crise de l'Etat-providence...

L'antisarkozysme forcené voudrait masquer ce déficit idéologique, mais il provoque en réalité un double effet pervers. Il grandit le personnage en le mettant au centre de chaque débat : Sarkozy devient celui qui ose tout, conformément à ce qu'il recherche. Et, surtout, il affaiblit la crédibilité de la gauche en l'obligeant à l'outrance : elle devient celle qui craint tout.
Le PS sera de nouveau écouté si ses critiques ne sont pas systématiques, si elles se concentrent sur les authentiques lignes de clivage - la politique économique et fiscale - et sur les véritables échecs de la majorité - en matière de sécurité, par exemple. Nicolas Sarkozy cherche à cliver en permanence, car sa conception du pouvoir est conflictuelle et il a besoin de ressouder sa base électorale.
Alors que nous vivons une crise historique et que le chômage de masse nous guette, la gauche doit éviter d'aggraver ce climat anxiogène. Elle doit lui opposer une conception apaisée de l'exercice du pouvoir : c'est en rassemblant les Français qu'elle fera partager les efforts et les objectifs de réformes.

Ségolène Royal a-t-elle raison de marquer son empathie avec les salariés en colère, qui perdent leur emploi ?

Elle cherche à capter une partie de la colère sociale pour que cette colère ne dérive pas vers les extrêmes. Mais, bien sûr, un parti de gouvernement qui a le sens des responsabilités ne peut légitimer les violences.

Etes-vous d'accord avec Martine Aubry lorsqu'elle dit regretter Jacques Chirac?

Non, car regretter Chirac, c'est nier le fort besoin de changement qui s'est exprimé durant la campagne présidentielle de 2007. Les Français ont réclamé une présidence active pour rompre avec le sentiment d'impuissance de la politique.

Qu'est-ce qui est acceptable dans la politique de Nicolas Sarkozy ?

Sur la réforme des collectivités locales, par exemple, la gauche n'est pas obligée de tomber dans tous les pièges qu'on lui tend. En rejetant par principe les propositions d'Edouard Balladur, le PS tourne le dos à sa vocation décentralisatrice et donne le sentiment de vouloir protéger une organisation territoriale devenue illisible. S'il veut avoir une chance de remporter l'élection présidentielle, il doit garder l'idée de mouvement que Nicolas Sarkozy a réussi à capter en 2007 avec la "rupture".

Craignez-vous qu'avec la crise, M. Sarkozy récupère l'idée de la régulation ? Il dit vouloir "moraliser" le capitalisme.

Il peut bien essayer, il restera marqué par les "péchés originels" du début de sa présidence : le Fouquet's, le yacht de Bolloré, l'augmentation du salaire présidentiel et, bien sûr, le bouclier fiscal... Par ailleurs, il a commis une erreur majeure en s'aliénant le monde des chercheurs, alors que l'avenir du pays repose sur l'innovation. La régulation et la refondation du système financier, c'est plus que jamais aux sociaux-démocrates de le porter !
Mais attention. En 2012, la gauche ne pourra pas se contenter de dire : "On refait Jospin, moins les 35 heures." Il faudra tenir un discours courageux, annoncer les réformes, et dire clairement aux Français que pour réduire les inégalités on ne pourra pas faire autrement qu'augmenter certains prélèvements obligatoires. Prétendre le contraire, comme Nicolas Sarkozy, est un mensonge compte tenu du niveau des déficits publics.

Au risque de vous aliéner les classes moyennes ?

François Bayrou a eu raison de pointer leur désarroi : poids de la fiscalité, crainte de l'avenir, crise de l'école. Il faudra donc une "révolution" fiscale qui tienne compte de la pression qu'elles subissent.

François Bayrou est il un concurrent sérieux ?

Oui, si le PS ne parvient pas à se réformer. A cet égard, l'organisation de "primaires" ouvertes aux électeurs de gauche pour désigner notre candidat en 2012 est peut-être la dernière chance pour le sauver et l'aider à renouer le lien avec les Français.

Où la gauche doit-elle agir en priorité ?
Elle doit s'identifier à l'école pour lutter contre l'échec scolaire, s'attaquer aux inégalités et répondre à la crainte de déclassement des classes moyennes. Si cela suppose une diminution drastique du nombre d'élèves par classe en ZEP et une réelle majoration des salaires des professeurs, cela implique aussi d'assumer la confrontation avec les syndicats et de dire un certain nombre de vérités : admettre l'échec du collège unique, faire de l'apprentissage une nouvelle voie d'excellence...
Les syndicats évoluent, j'observe avec intérêt ce qui se passe à la CGT et bien sûr à la CFDT. La gauche doit bâtir avec eux un pacte social sur les grands enjeux : assurance-maladie, dépendance, hôpital, retraite, école.

Vous avez soutenu Ségolène Royal pendant le congrès de Reims. Et aujourd'hui ?
Je l'ai soutenue parce qu'elle portait le mieux l'idée de la rénovation. Aujourd'hui, le PS doit être incarné par une nouvelle génération qui porte d'autres idées, d'autres pratiques. Je n'ai plus l'âge d'être l'élève d'un "sage actif", quel qu'il soit. En 2012, c'est cette génération qui doit incarner le changement et le renouvellement.

C'est une déclaration de candidature pour 2012 ?
La présidentielle, c'est une question de destin et de circonstances. Il ne faut jamais s'autoproclamer.

(Propos recueillis par Françoise Fressoz et Jean-Michel Normand)

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