POUR

LA &nbsp LIBERTE &nbsp D' EXPRESSION

Free speech offers latitude but not necessarily license

dimanche 15 décembre 2013

Accord sur la formation professionnelle: vers un désenchantement

La "formation professionnelle pour tous", "une double peine pour les petites entreprises" 

Le PS positive et la presse alignée relaie l'enthousiasme du vote


Certains partenaires sociaux ont réussi à s’entendre sur une réforme de la formation professionnelle et la presse vante des négociations ardues et une nuit agitée. C’est sans conteste un "accord majeur", lit-on ici et là, une première en France, capable -à terme- de mettre fin à la complexité du système. Samedi matin, une majorité des participants tombait d’accord sur un projet que doivent maintenant entériner les instances dirigeantes, tant patronales que syndicales. Pour l’heure, cinq organisations se sont prononcées pour les propositions présentées par le MEDEF, avec également l’aval de l’UPA (patrons de l’artisanat). Côté syndicats, les signatures de la CFDT, de la CFTC et de la CFE-CGC semblent acquises. Force ouvrière, qui est sur le point de saluer une avancée, prend le temps de la réflexion. 

Mais la CGT s’y est opposée, tout comme, dans le camp patronal, la CGPME
qui fera connaître sa position mercredi. La confédération craint en effet que l’application de l’accord fragilise l’avenir d’Agefos, instance paritaire chargée de développer la formation continue des salariés des PME. 

Un leurre provoque l'euphorie
La pierre angulaire de cette réforme est la création d’un compte personnel de formation pour tous les actifs, salariés et chômeurs, dont le principe en avait été acté par la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013. Le futur dispositif remplacera donc le droit individuel à la formation appliqué avec plus ou moins de bonheur et accompagnera la personne toute sa vie professionnelle, même si elle change d’employeur ou va pointer au chômage.
Comme le ministre du Travail, Michel Sapin, Jean-Marc Ayrault s’est félicité du soutien apporté à un texte qui "répond aux objectifs fixés par le gouvernement". De son côté, François Hollande, en visite en Guyane, a salué un accord qui devrait donner la "possibilité de se requalifier à tout moment dans sa vie professionnelle" et qui pourrait représenter "une arme supplémentaire pour lutter contre le chômage".
Le système ainsi ovationné par la majorité sera transposé dans un projet de loi présenté le 22 janvier en Conseil des ministres pour un débat au Parlement en février, peu avant les municipales. Son universalité commence pourtant à éveiller quelques soupçons et inquiétudes.

La question du financement
Ce nouvel outil devrait se traduire par un redéploiement de 32 milliards d’euros en direction notamment des actifs et des jeunes qui ont moins de qualifications, mais pas seulement. 

La négociation s’est révélée ardue sur le volet du financement. Car ces 32 milliards sont financés chaque année au titre de la formation non seulement par l’entreprise à hauteur de 40 %, mais aussi par les contribuables, soit seulement 50% des Français -qui ne sont pas tous adhérents au club du CAC 40- pour le reste, ...60%.

Le compte personnel de formation entrera cependant en service au 1er janvier 2015. Il sera ouvert dès l’âge de 16 ans et suivra tout le parcours professionnel de l’intéressé qui disposera d’un crédit de formation de 150 heures sur toute une vie professionnelle de bientôt 43 ans, soit de l'ordre de 4 heures/an. Au-delà, des abondements pourront intervenir par l’entreprise ou des canaux institutionnels.

"Désormais, ce sont les petites entreprises qui vont payer pour les grandes !"
Hollande, président
en formation professionnelle
Jean-Michel Pottier, chef de file de la CGPME, s'étranglait à cette évocationlors de la négociation sur la formation professionnelle. Dans un entretien à L'Entreprise, il explique pourquoi son organisation (600.000 adhérents indirects pour un budget de 9 millions d’euros) est vent debout contre le texte de l'ANI du 14 décembre.
L'accord national interprofessionel (ANI) signé le 11 janvier 2013 entre le MEDEF et trois syndicats majoritaires a déboulé à l'Assemblée nationale pour sa transcription législative. Et l'énervement, puis la rage de ses opposants et critiques, quand dix jours plus tard, les godillots de l'Assemblée nationale l'ont adopté en première lecture par un vote attendu mais surprenant. L'accord est en effet mauvais, car au-delà du risque que représente l'abrogation du code du travail, le document nous hisse en haut d'un tobogan à la pente vertigineuse. 
Ce ne sont pas tant la création d'un compte personnel de formation transférable et d'un droit rechargeable à l'assurance chômage qui interpellent les acteurs responsables hors les murs du Palais Bourbon. Le pire est ailleurs: le contrat de travail individuel pourra, demain, être amendé par un accord collectif. Certes, il faudra respecter les minima légaux ou des conventions collectives de branche (sic!), mais quand on mesure la faible représentativité des syndicats au sein des entreprises, on voit poindre des motifs d'inquiétude. 

A cette inconséquence du législateur s'ajoute une honte.
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l'exécution des plans sociaux sera accélérée. En période de crise et de licenciements massifs, la justification éco-politique ("rassurer les employeurs en atténuant l'incertitude née de la longueur des procédures") est une tartufferie. Enfin, le texte prévoit d'autoriser l'expérimentation du recours à l'intermittence dans des secteurs qui n'y ont pas recours aujourd'hui. Une boîte de Pandore que les socialistes ne craignent pas d'ouvrir...
L'un des députés socialistes les plus critiques de l'ANI, Jérôme Guedj, député de l'Essonne, a fait mine de se rebeller, mais a subi des pressions du gouvernement quand celui-ci a transformé le texte initial pour proposer sa version de proposition de loi. Ce représentant de l'aile gauche pure et dure du PS s'est finalement couché, estimant tout à trac que "par rapport à l’ANI, le texte qui nous est soumis (...) comporte déjà des enrichissements, des améliorations, des précisions nécessaires." Coupez: c'est dans la boîte !

A l'Assemblée,
plus de 5.000 amendements sont pourtant déposés. Près de 4.000 proviennent des quelques élus du Front de Gauche, bien décidés à un 
baroud d'honneur de dynamitage du texte. 
A droite, Dominique Dord, député UMP de Savoie, exprime son étonnement devant l'engouement socialiste pour cet accord: "il dit, et vous l’avez rappelé vous-même, monsieur le ministre [Michel Sapin], que le code du travail qui, dans votre culture, est un rempart, une protection, joue en fait contre l’emploi dans des situations comme celle dans laquelle nous nous trouvons." 

Les débats ont été longs, mais les rangs clairsemés, comme le regrette d'ailleurs le très soumis Jérôme Guedj : "J’étais fier d’être là nuit et jour pour le texte 'Mariage pour tous' dans un hémicycle bien rempli. Je crois que le code du travail méritait le même engouement (si ce n’est plus)." 
On doit tenir le gouvernement pour responsable de cette adoption par un Parlement abstentionniste. Il faut aussi retenir que la presse a tenu le pays tout entier à l'écart de la progression gouvernementale rampante, évitant que les intéressés se mobilisent quand il était temps. 

La CGPME en résistance depuis le projet d'ANI

Hollande, vieux stagiaire
sans qualification,
en formation
Qu'est-ce qui explique le refus de la CGPME de signer le projet d'ANI (accord national interprofessionnel) sur la formation professionnelle du 14 décembre 2013 ?
Jean-Michel Pottier. On ne pouvait pas faire mieux pour que s'effondre à court terme la formation dans les entreprises ! Sur le financement, la CGPME avait trois objectifs : simplifier le système pour les patrons de TPE/PME, rendre plus efficace l'accès à la formation des salariés, et faciliter l'accès aux fonds pour les plus petites entreprises grâce à une solidarité interentreprises et une vraie mutualisation des ressources, ce qui n'avait pas été réussi lors des deux précédentes réformes. Aucun de ces objectifs ne figure dans le projet d'accord MEDEF/UPA. En bref, les grandes entreprises ne vont pas payer pour les petites et ce sont les petites qui vont payer pour les grandes !

Des avancées ont cependant été observées au cours de la négociation sur les contributions obligatoires des entreprises, en particulier celles de 10 à 49 salariés et celles de plus de 50 salariés ?
J.-M.P. Mais le système de contributions qui est proposé est d'une complexité inouïe ! Aucun chef d'entreprise ne peut s'y retrouver, en particulier ceux employant plus de 50 salariés ! Avec cet émiettement des contributions, comment faire croire à l'effet levier annoncé pour développer la formation des salariés?

Sur le financement du compte personnel de formation (CPF), il y a également un progrès avec la création d'une contribution spécifique de 0,2% pour les " plus de 10 salariés " au sein du 0,8%...
J.-M.P. Mais cet accord est formidable : d'un côté, il donne le mode d'emploi aux entreprises pour verser cette contribution (affectée au compte personnel de formation) et quelques articles plus loin, il leur explique comment s'en exonérer par accord ! Avec les abondements prévus, l'accord permet également de financer le CPF par le plan de formation. Les petites entreprises vont payer le 0,2% et les abondements du plan, c'est une double peine.

Quelles suites la CGPME entend-elle donner à cette négociation ?
J.-M.P. Toute la semaine prochaine, nous allons poursuivre la mobilisation de nos troupes (commission formation/éducation le 17 décembre, comité directeur le 18 notamment) et poursuivre notre travail d'explication auprès du gouvernement et des parlementaires, d'autant plus que nous déplorons des rédactions plus qu'approximatives dans le texte. Nos adhérents sont " remontés " contre cet accord. C'est du jamais vu!

Avec "Les Sacrifiés", les artisans et commerçants affichent leur colère
Un mois après le lancement du mouvement « les sacrifiés » (le 13 novembre 2013), plus de 500.000 personnes ont déjà signé la pétition en ligne sur sauvonslaproximite.com, et les témoignages de soutien affluent de tout le pays à l'UPA, organisation patronale des artisans et commerçants de France. Qu’ils soient artisans, commerçants, travailleurs indépendants, ou aussi simples citoyens, élus de la nation… tous soutiennent les entreprises de proximité face à l’avalanche de nouveaux prélèvements fiscaux et sociaux qui menacent leur existence même. L’UPA tient à féliciter cette population qui a su prendre son destin en main afin de préserver l’avenir des entreprises de proximité.

Le président de l’UPA, Jean-Pierre Crouzet, a ajouté : "Un véritable harcèlement fiscal et social est en train de tuer l’économie de proximité. J’appelle tout le monde à poursuivre la mobilisation afin que le gouvernement prenne enfin les mesures qui permettront à nouveau à nos entreprises de créer de l’emploi, de la cohésion sociale et de relancer la croissance."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):