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samedi 1 novembre 2014

L'avenir du Burkina-Faso est-il islamiste ?

Le parti du président démissionnaire n'était pas membre de l'Internationale socialiste

Le Burkina Faso, premier pays du "printemps noir" ? 
Le futur de ce pays est-il vraiment militaire ?
La presse occidentale a repris le crayon de ses caricatures passées. La rue burkinabèe aurait agi avec la plus grande spontanéité et la fougue de la jeunesse aurait suffi à déboulonner Blaise Compaoré, en route, dit-on, pour le Ghana. 
Le Parti pour la Démocratie et le Progrès (PDP/PS4) n'aurait donc pris aucune part dans la fin d'un pouvoir qu'il revendiquait pourtant depuis trois décennies et la démocratie aurait gagné après 27 années de stabilité.
Il a néanmoins  mobilisé des centaines de milliers de manifestants dans les rues de Ouagadougou, accusant Blaise Compaoré de fomenter un "coup d'état" constitutionnel. L'importance de ce motif doit toutefois être relativisé au regard des pratiques africaines. 

Nul n'est besoin d'être militaire pour être dictateur
En République islamique d'Iran, le pouvoir est exercé par un religieux, l'ayatollah Ali Khamenei, 75 ans, qui n'a pas dit son dernier mot après 25 années de pouvoir absolutiste et sectaire. L'actuel Guide suprême de la Révolution islamique est un terroriste,
Au Zimbabwe, le président Robert Mugabe, ancien chef de guérilla qui se dit "diplômé en violence", ne peut donner des leçons de démocratie à son collègue bukinabè, puisqu'il exerce sa dictature "marxiste-léniniste-maoïste" depuis 1987, à l'âge de 90 ans.

Depuis la démission de Blaise Compaoré vendredi,
le Burkina Faso, "pays des hommes intègres", a remis son avenir entre les mains d'un militaire. Les insurgés miseraient sur l'un d'entre eux, le chef d'état-major des armées, Honoré Traoré, qui assure l'intérim dans l'attente d'élection. Mais l'invraisemblance de cet engouement laisse présager une menace plus réelle: d'une part, les jeunes n'ont aucune attirance naturelle pour l'armée et, d'autre part, d'autres militaires, se disputent le pouvoir, l'un retraité, d'autres plus jeunes, constitués en junte. Cette menace ne serait pas tant militaire ou politique, que religieuse. Déjà, certains experts parlent en effet de "printemps noir" en octobre.
La crainte d'un coup d'état militaire

Désigner des militaires comme seuls prétendants est une première manipulation. L'intention de la première force politique alternative est claire: discréditer l'armée qui assure pourtant le maintien de l'ordre actuel et limite les risques de violence. Jusqu'ici parti observateur de l'Internationale socialiste, le Parti pour la Démocratie et le Progrès, ex-Mouvement du peuple pour le socialisme, compte sur l'opinion internationale réserver un mauvais accueil aux militaires, évacuant les exemples des glorieux putschistes de l'histoire de la gauche, tel Chavez.   

La presse occidentale décrit la déception des manifestants 
Réunis place de la Nation, comme place Tahrir, au Caire en Égypte, les dizaines de milliers de manifestants qui fêtaient le départ de Blaise Compaoré ont déchanté en apprenant que le nouvel homme fort est Honoré Traoré, nommé par l'ancien président en avril 2011 à la tête de l'institution militaire, en récompense de sa gestion de la révolte survenue cette année-là dans le pays. "Il est considéré comme très proche de l'ancien président", explique le rédacteur en chef du Reporter, un journal burkinabè.
Cette prise de pouvoir n'a aucune légitimité constitutionnelle: la constitution prévoit que le président de l'Assemblée assure l'intérim, en aucun cas le chef des armées. Des centaines de manifestants continuent donc de se réunir devant le siège de l'état-major pour réclamer un autre président. 
Un président de transition. 
Quel futur pour le Burkina Faso ?
Honoré Traoré, au centre
"Dans ce genre de moments, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de risque de coup d'état militaire", admet un journaliste qui ne minimise pas le risque de basculement dans la terreur. Il demeure pourtant confiant. "Il ne fait pas l'unanimité, mais si l'opposition l'a laissé prendre le pouvoir c'est qu'ils ont l'assurance qu'il ne va rien tenter". Une analyse partagée par Justin Yarga, journaliste pour la chaîne de télévision Burkina 24. "L'armée n'a aucune légitimité; elle s'est tenue à l'écart de la révolte. C'est le peuple qui s'est révolté, pas elle, insiste-t-il. Et le journaliste de porter en avant les jeunes, non organisés et manipulables. "Les militaires se sont impliqués trop tard pour réclamer la paternité de cette révolte", polémique-t-il. 
Les mêmes schémas se profilent. Comme à Kiev où la destitution du président en février 2014 a conduit à un gouvernement pro-européen d'abord dirigé par Oleksandr Tourtchynov, puis par Arseni Iatseniou, démissionnaire en juillet 2014 et finalement élu avec 22 % des voix en octobre 2014, le processus pourrait se répéter à Ouagadougou avec un président par défaut d'abord, le temps d'apaiser les tensions. L'annonce toutefois de la suspension de la Constitution par un groupe d'officiers de l'armée nourrit  ce jour les craintes des manifestants. La confusion est donc encore grande, puisque cette annonce vient contredire celles'oppose à celle du général Traoré qui avait dit assumer la continuité du pouvoir.  

Les rivalités de 
opposition politique, facteurs d'instabilité 

Les partis se préparent à la lutte pour le pouvoir. 
Unis contre Blaise Compaoré, les partis d'opposition sont entrés en compétition. "Ce sont des alliés de circonstance, les partis étaient unis face à Compaoré. Même si ce n'est pas encore visible, les luttes entre les principaux leaders vont bientôt émerger.
Parmi les figures potentiellement rassembleuses, celle du général en retraite Kouamé Lougué a émergé. "Au sein de la population, c'est sûr qu'il est largement soutenu. Il a beaucoup plu quand il était ministre de la Défense, mais je crois qu'il n'est pas dans la course au pouvoir," analyse Ladji Bama, qui conclut : "Ca se jouera entre les partis d'opposition". Parmi eux, deux sont particulièrement bien placés. L'UPC de Zéphirin Diabré, un homme d'affaires (Areva), "le vrai chef de l'opposition" aux yeux du journaliste politique. Mais à la compétence, les jeunes préféreraient le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) qui n'est pas un nouveau parti, mais la fusion de 13 partis politiques socio-démocrates, aussi peu gérables que le PS français ou EELV...

La société civile a un rôle à jouer. 
Au-delà des partis, de nombreuses associations et autres formations "apolitiques" ont émergé depuis le début de la contestation populaire. A l’image du mouvement "Y’en à marre" du Sénégal, la plus connue au Burkina -notamment grâce à une émission de radio- s'appelle le Balai Citoyen, un mouvement lancé par deux jeunes musiciens, qui remporte l'adhésion des jeunes déçus de la classe politique, Sams K Le Jah (reggae et radio) et Smockey qui fait du rap. "Les partis vont leur faire les yeux doux pour s'attirer les votes de leurs sympathisants et profiter de leur capacité de mobilisation", prophétise-t-on. Le message de Sams’K le Jah exploite clairement la colère sociale: "on a par exemple les coupures de courants. Il n’y a pas longtemps, la bouteille de gaz a connu une augmentation de près de 50%, ça ne s’explique pas !" Leurs textes sont politiques (Ce président-là) et ils ont créé une page Facebook pour partager leur mouvement.
Le Balai Citoyen a partagé la photo de Souleymane Ouedraogo.

Le rôle des réseaux sociaux dans le soulèvement du Burkina Faso aura été nul. 
La population manifestait en nombre dès mardi avant qu’on parle du mouvement sur Facebook, le seul véritablement suivi. En revanche, ce mouvement est très important pour la jeunesse des états limitrophes et nombre d’Africains des pays voisins en Afrique de l’Ouest ont posté des messages de soutien au Burkina sur les réseaux sociaux.  La mobilisation du Burkina peut être un exemple et pourrait avoir un vrai rôle sur la jeunesse africaine.

Le politique face au religieux


D'après le recensement de 2006, la proportion de musulmans s'élève à 60,5 %. 
Mais l'ethnie des Mossis a toujours défendu ses croyantes animistes contre les influences islamiques des musulmans venus du Mali. Aujourd'hui, on les retrouve toutefois dans les villes de Bobo-Dioulasso, Kong ou Bunduku. D'autres marchands transsahariens sont arrivés du Nigéria, ont épousé des femmes Mossis et la communauté musulmane s'est agrandie , assurant l'éducation islamique. Passés sous hégémonie peule, ils se transformèrent en émirats, sous la coupe de deux califats, à l’ouest et à l’est. Pendant le grand djihad de 1809-1867 contre les animistes, l'islam s'étendit dans la région de la Côte d'Ivoire, de la Guinée et de la Haute-Volta, l'actuel Burkina-Faso (depuis 1984).
Les mouvements islamistes s'opposent à la culture européenne dominante. Pour autant qu'on sache, ils ne représentent pas encore une réelle menace, mais le fait qu'ils ont intégré des groupes ethniques divers constituent à la fois une faiblesse et une force à maintenir sous vigilance. Les petits garçons, appartenant principalement aux classes moyennes, sont en effet soumis à l'éducation dans les madrasasDes mosquées se construisent et des imams prêchent jusqu'à la télévision nationale.
Il existe des mouvements islamiques, mais ils sont apparemment divisés. L'opportunité que leur offre l'opposition politique pourrait toutefois les rassembler.

Les réactions internationales

L'ONU a envoyé un émissaire au Burkina Faso pour tenter de mettre fin aux violences. Le secrétaire général de l'organisation, Ban Ki-Moon, "suit avec une grande inquiétude la détérioration de la situation". 
Washington se dit "très inquiet".

L'Union Europénne a insisté sur "le sens de la responsabilité" que devaient assumer "toutes les forces politiques, de l'armée et des institutions républicaines".

Paris appelle "toutes les parties à la retenue"  
L'Elysée a réagi en "saluant" la démission de Blaise Compaoré et appelle à la "rapide tenue d'élections démocratiques". Mais Hollande a exercé des pressions, comme l'atteste cette lettre:

L'ambassadeur de France à Ouagadougou a d'ailleurs rencontré les chefs de l'opposition pour trouver une solution pour une sortie de crise, affirme France 24. Concernant les ressortissants français au Burkina Faso (environ 3.500), Laurent Fabius a assuré qu'il n'y avait "aucun risque" et que "les décisions ont été prises pour qu'ils soient rassurés". 



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